Huit survivants tunisiens qui avaient tenté de rallier clandestinement l’Italie le 11 février ont accusé lundi des gardes côtes tunisiens d’avoir « délibérément foncé » sur leur embarcation, faisant 5 morts et 30 personnes portées disparues dans les eaux internationales.
« Le bateau, tout neuf était parti d’une zone touristique El-Ogla, proche de Zarzis (500 km au sud de Tunis), et transportait 120 passagers. 85 personnes ont été sauvées, 5 sont mortes, et 30 sont toujours portées disparues« , a déclaré à l’AFP un de ces survivants, Ziad Ben Abdaalah, 23 ans.
Ces déclarations ont été confirmées par 7 autres survivants qui se trouvaient à bord de ce navire après avoir versé 2.000 dinars (environ 1.000 euros) à des passeurs.
« Il était 15H00. Il faisait beau. Nous approchions de la côte italienne après 12 heures à bord, et nous n’étions plus environ qu’à une heure de l’Italie quand un bateau de la garde nationale nous a donné l’ordre d’arrêter les moteurs. Nous avons obéi« , affirme Ziad dont les propos sont appuyés par les autres survivants et par les proches des victimes, visiblement traumatisés.
« Puis, se souvient-il, le bateau de la garde côtière, qui faisait 40 mètres de long, s’est mis en position parallèle avec le nôtre avant de reculer de 700 mètres environ. Nous pensions que le bateau rebroussait chemin, mais soudain il a foncé sur nous ». « Nous avons entendu des gardes nous dire de +baisser les têtes+, et ensuite ils ont foncé sur nous et ont brisé en deux notre bateau« .
Il ajoute que ses compagnons d’infortune étaient « totalement choqués par ce qui venait de se passer« , se déclarant convaincu que ces gardes côtes étaient là pour les ramener en Tunisie.
Et puis soudain, juste après le choc, ces survivants affirment avoir vu un hélicoptère italien juste au dessus de leurs têtes avant l’arrivée d’un autre bateau des gardes côtes tunisiens dans cette zone.
« A ce moment, les gardes côtes ont fait semblant de vouloir nous aider. Quand j’ai réussi à monter sur leur bateau, un des gardes côtes m’a dit de retourner dans l’eau pour sauver mes amis« , ajoute Ziad.
Le rescapé a dénoncé le traitement infligé aux survivants, « en les laissant trempés sur le bateau, et en ne leur donnant qu’un bout de pain »… « et même pas pour tout le monde« , a renchéri un autre survivant Fares Ben Yahyaten, 21 ans, un chômeur à la recherche d’un emploi.
Ensuite, l’armée est intervenue et a ramené ce groupe d’hommes à la base militaire de Sfax (sud), « où ils nous ont offert de la nourriture et des couvertures mais où ils ont également pris nos empreintes (digitales), des photos et nous ont posé des questions sur des gardes côtes« , déclare de son côté Aziz Bousetta, 26 ans, un autre survivant.
Au port de Zarziz, des gardes côtes ont affirmé à l’AFP que ce naufrage avait été provoqué par la vétusté du bateau, se refusant à donner d’autres commentaires.
« Nous voulons savoir pourquoi ce bateau tunisien a cassé en deux ce bateau. Nous voulons que les coupables soient jugés car des gens sont morts et nous voulons comprendre pourquoi ils ont fait ce qu’ils ont fait« , déclare pour sa part Nabil Ragdal, frère d’une victime.
« Nous allons aller jusqu’au bout. Les responsables doivent être jugés, pour meurtres« , ajoute-t-il en montrant une autorisation d’enterrement concernant son frère Lasaad, dont le corps a été retrouvé au large de Sfax.
Lasaad, selon son frère, voulait se rendre en France pour retrouver sa femme qu’il n’a pas vue depuis 2004. « Il n’était à bord de ce bateau qu’à cause du refus répété de l’ambassade de lui délivrer un visa, il ne voulait pas rester en Italie, il voulait aller en France« , regrette Nabil.
Cette autorisation cite le président du poste frontalier de la garde nationale de Sfax, qui écrit que Lassad « est mort noyé » et annonce l’ouverture d’une enquête pour « meurtre prémédité« .
Onze familles des victimes et des personnes portées disparues entendent déposer mardi une plainte contre les gardes côtes du bateau « Liberté 302″.
Ashraf Beyahia, qui vient d’enterrer son frère, a déclaré pour sa part qu »il y avait un adolescent de 14 ans à bord du bateau« , affirmant avec les autres survivants « qu’aucun criminel ne se trouvait à bord de leur bateau« .
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