L’incertitude économique et politique a poussé des milliers de Tunisiens à rejoindre les côtes européennes ces derniers jours. L’Italie a proclamé samedi l’état d’urgence humanitaire.
La petite île italienne de Lampedusa se sent dépassée. En cinq jours, ce sont environ 5000 immigrants, pour la plupart Tunisiens, qui y ont débarqué, selon les garde-côtes italiens. Sur la seule nuit de samedi à dimanche, un millier de personnes sont arrivées illégalement. «La situation est difficile», a reconnu le commandant du port de Lampedusa Antonio Morana, «les débarquements se poursuivent à un rythme incessant».
L’incertitude économique et politique règne toujours en Tunisie, alors que le pays s’apprête à fêter lundi son premier mois depuis la chute du régime de Ben Ali. Le gouvernement de transition reste sous forte pression sociale et politique. Les inquiétudes liées à la reconstruction ont poussé des milliers de Tunisiens à fuir leur pays et à tenter de rejoindre clandestinement les côtes européennes. Un voyage qui n’est pas sans risque. Un jeune Tunisien s’est noyé et un autre était porté disparu samedi, après le naufrage d’une barque transportant 12 immigrants, a rapporté l’agence tunisienne TAP.
État d’urgence en Italie
Face à cette vague d’immigration, l’Italie a proclamé samedi l’état d’urgence humanitaire. La veille, elle avait demandé l’aide de l’Union européenne et «le déploiement immédiat d’une mission Frontex d’interceptation et de patrouille au large des côtes de Tunisie pour le contrôle des flux», mettant en garde contre le risque d’une «crise humanitaire». La proclamation de l’état d’urgence permet notamment l’utilisation rapide de ressources financières spéciales. Les immigrants tunisiens recevront de l’aide «mais ils ne peuvent pas rester sur le territoire italien», a souligné le ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, indiquant qu’ils seront rapatriés.
Selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), certains de ces immigrants «fuient la pauvreté et les grèves», d’autres «ont demandé l’asile politique», et enfin, quelques-uns «disent qu’ils veulent juste attendre et voir ce qui se passera en Tunisie». Pour les autorités tunisiennes, la bonne marche de la transition politique dépend en premier lieu de la relance de l’activité économique. C’est pourquoi elles ont multiplié les appels à la communauté internationale pour un soutien à l’économie du pays.
La nécessaire relance de l’économie
Le secteur touristique, qui couvre 60% du déficit de la balance commerciale et représente 6,5% du PIB tunisien, a été particulièrement touché par les semaines de chaos qui ont précédé la chute de Ben Ali et le flou qui a suivi. Sur 10 millions d’habitants, il emploie plus de 350.000 personnes. Cette semaine, le nouveau ministre du Tourisme, Mehdi Houas, faisait état d’une chute de 40% des chiffres du tourisme pour le mois passé (entrées et recettes), par rapport à janvier 2010.
La situation devrait toutefois s’améliorer, avec le retour progressif des touristes dans certaines régions. Samedi, la France a ainsi levé ses restrictions de voyages vers des villes côtières tunisiennes et l’île de Djerba. L’Allemagne va aussi donner son feu vert pour les zones balnéaires de la côte est, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle, cité par la télévision tunisienne.
Restent à régler les problèmes de fond de l’économie tunisienne : une masse de chômeurs diplômés (20% des sans emplois); un client principal, l’Europe (77% des exportations), qui va mal ; de nouveaux concurrents asiatiques qui cassent les prix, notamment dans l’industrie du textile. Après 24 ans de règne de Ben Ali, la Tunisie se caractérise «par le nombre extrêmement faible de grandes (0,4 % du total des entreprises) et même de moyennes entreprises (0,3 % ou 1,7 %)», relève Béatrice Hibou, économiste au CERI-Sciences Po. Enfin, selon de nombreux observateurs, la corruption devrait survivre à la dictature, bien qu’à une moindre échelle. Un contexte qui est «peu propice aux investissements», prévient Jean-Raphaël Chaponnière, économiste à l’Agence française pour le développement (AFD). (Le figaro Avec agences – 13/02/2011)
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