Quelques semaines après la révolution qui a fait tomber Ben Ali, la Tunisie découvre les joies de la démocratie et ses outils politiques. Parmi lesquels les sondages, gadgets survendus dans nos vieilles démocraties qui en abusent, ils apparaissent comme des outils de connaissance et d’expression politiques dans des pays récemment sortis de longues périodes d’absolutisme. Marianne2 dévoile les résultats de l’un des premiers sondages réalisé en Tunisie.
Après le temps des révolutions, la Tunisie découvre les joies fragiles d’une démocratie balbutiante. Parmi les nouveautés qui s’installent peu à peu dans le paysage politique tunisien : les sondages. Gadgets suspects, polluants des côtes démocratiques dans nos contrées qui en consomment plus que de raison, tout en relativisant leurs résultats, ils apparaissent comme un espace d’expression politique et de connaissance des aspirations des populations dans des pays à peine sortis de l’absolutisme. En Tunisie les bureaux d’études multiplient les enquêtes pour prendre le pouls de l’opinion.
Du temps de Ben Ali, ces enquêtes politiques n’étaient que très rarement réalisées, compte tenu du fait que le pouvoir n’acceptait aucune critique.
Selon l’un des premiers sondages politiques réalisé par l’Institut ID Claire, 64,3% de la population affiche un certain optimisme concernant l’avenir de la Tunisie contre 15,4% qui se montre plus sceptique.
Les domaines à améliorer en priorité concernent la justice (34,1%), l’éducation (13,3%), l’administration publique (13%), la santé et l’emploi (7,9%).
Les principales attentes et aspirations des personnes sondées sont en premier lieu l’amélioration du niveau de vie (27,3%), plus de justice sociale (18,1%) et une baisse du chômage (16,7%). La lutte contre la corruption, les réformes économiques et la réforme de la constitution font également partie des priorités.
LES TUNISIENS DÉFAVORABLES À UN RÉGIME PRÉSIDENTIEL
Interrogés sur les changements à apporter à la Constitution Tunisienne, il apparait que la principale préoccupation est le nombre de mandats présidentiels qu’ils ont demandé de préciser et de limiter. Les répondants souhaiteraient également, à travers la constitution, garantir la démocratie, la liberté d’expression et la liberté de la presse. D’autres éléments ont été évoqués tels que l’immunité du président (qui doit pouvoir être levée), la liberté et la transparence des élections, la réduction des pouvoirs du président, l’indépendance de la justice, la séparation entre les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judicaire) et le changement de régime. Le parfait anti-portrait du régime Ben Ali…
Concernant le type de régime souhaité, la majorité des interrogés (66,2%) choisit le régime parlementaire. Cette préférence est principalement motivée par la volonté du tunisien de participer, de donner son avis et surtout de prendre part aux décisions.
Seuls 18,1% veulent maintenir un régime présidentiel car depuis l’indépendance c’est le seul qu’ont connu les Tunisiens.
C’est le comportement des Tunisiens lors des différentes élections (municipales, législatives et présidentielles) qui se révèle particulièrement intéressant. Le sondage montre que la participation aux votes a toujours été très limitée. Il s’est avéré ainsi que seulement 18,1% ont déjà voté dans des élections municipales, 15,5% dans des élections législatives et 30,6% dans des élections présidentielles quand Ben Ali annonçait des scores fleuves de 85% voire 95% et des taux de participation jamais inférieurs à 80% !
AUCUNE FIGURE POLITIQUE NE SORT DU LOT
A l’évidence, il est beaucoup trop tôt pour que les Tunisiens voient clair dans la nouvelle donne politique :
« Concernant les représentants des partis, il apparait nettement un manque de connaissance étant donné que la scène politique de l’avant 14 Janvier était dominée par le RCD. Nous avons demandé aux répondants de nous donner spontanément leurs visions de l’orientation politique des partis. Faute de bien connaître le programme politique de chaque parti, les sondés ont donné des réponses subjectives » fait remarquer l’Institut.
Le sondage montre que les Tunisiens n’ont toujours pas de figure politique qui se distingue des autres vu que 83,3% des répondants n’ont pas donné de nom ! Néanmoins, Ahmed Nejib Chebbi, le leader du Parti Démocratique Progressiste prend timidement la tête du classement avec seulement 6,6%, suivi par Rached Ghanouchi (5,1%), le leader du mouvement islamiste tunisien, largement réprimé sous Ben Ali et qui a obtenu sa légalisation récemment après 30 ans d’interdiction.
Un air de démocratie souffle bien sur la Tunisie, mais le chemin sera long et difficile : le journal tunisien WMC rapportait récemment que lors d’un débat télévisé sur une chaîne privée tunisienne, on a demandé à un jeune ce que signifiait la démocratie pour lui, il a répondu: «Je ne sais pas. Vous me demandez quelque chose que je n’ai jamais connu et que je n’ai jamais pratiqué. Je répondrais à votre question lorsque je l’aurais pratiqué!». Tout est dit. (Régis Soubrouillard – Marianne – Lundi 21 Mars 2011 )
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